DEFINITION DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Yvette Veyret, Géographe, Actes du colloque - Éduquer à l'environnement, vers un développement durable 17-19 décembre 2003 :
« La notion de développement durable m'inspire en effet un scepticisme relatif.
Premièrement, je rappellerai que le développement durable est une notion pensée par les mouvements écologistes à partir des années 1970, avant le rapport Brundtland, en raison des impacts négatifs de notre mode de gestion sur l'état de la planète et sur les sociétés. L'approche s'est bâtie sur des constats systématiquement catastrophistes et souvent globalisants.
Deuxièmement, une dimension éthique est présente au cœur même de la notion de développement durable. Il s'agit d'établir une correction des déséquilibres et une justice pour tous. L'approche s'appuie sur trois fondements : l'écologie, l'économie et le social.
Troisièmement, on ne peut dire que le développement durable soit un champ de recherche pour la science, car il ne comprend pas d'indicateurs scientifiques. Il se révèle en perpétuelle construction et est davantage politique que scientifique. Dès la fin des années 1980, peu après la popularisation du terme, il en existait déjà quarante définitions, qui correspondaient à différents types de position, en fonction de l'importance plus ou moins grande accordée au libéralisme.
Quatrièmement, le développement durable peut conduire à des approches très différentes dans les pays riches et dans les régions pauvres. Dans les premiers, les spécialistes et les chercheurs posent la question du maintien de l'évolution économique actuelle. Les réglementations y sont de plus en plus nombreuses, à tous les niveaux. L'idée d'une meilleure qualité de vie (au sens large, d'un meilleur état de la planète qui nous entoure) est assez facilement acceptée par les populations et de plus en plus prise en compte dans l'éducation.
Dans les pays en voie de développement se pose la question du choix d'un modèle économique. Faut-il transposer notre modèle de développement ? Peut-on concevoir que 1, 3 milliard de Chinois possèdent tous une voiture ? Doit-on envisager que les besoins de ces populations soient satisfaits, sans qu'un développement semblable au nôtre soit mis en place? Un gouvernement mondial, qui veillerait sur la planète et sur la biodiversité, est-il concevable ? Celui-ci soulève la question de l'intégration du citoyen et de la gouvernance.
Le développement durable tel qu'il est préconisé dans les pays riches pose problème dans les pays en voie de développement : le souci de préserver la biodiversité conduit à l'établissement d'inventaires poussés, destinés davantage à la réalisation de brevets qu'à la protection des habitants. On peut dès lors se demander, de manière volontairement provocatrice, si une forme de "néo colonialisme" ne se met pas en place derrière cette terminologie. Le développement durable soulève en effet la question de l'ingérence. Celle-ci est prônée par certains acteurs et auteurs des pays du Nord envers des pays du Sud afin de gérer la biodiversité.
Je ne suis donc pas véritablement sceptique car je suis d'accord sur un certain nombre de points Eléments de contenus dans cette notion. Mes recherches récentes m'imposent néanmoins une certaine prudence. »